Piéger ses consommateurs, la nouvelle tendance du marketing viral
Imaginez, vous êtes à un entretien d’embauche, sous pression et avec l’envie de plaire. Soudain, le sol se met à trembler, un bruit sourd résonne et par la fenêtre du bureau vous assistez à une scène d’apocalypse : une météorite s’abat sur la ville et détruit tout, à des kilomètres à la ronde. Vous hurlez, impuissant face au cataclysme qui s’abat sur vous. Puis c’est le noir complet.
Je vous laisse imaginer dans quel état vous êtes à cet instant.
Puis la porte s’ouvre, la lumière revient et quatre personnes entrent dans la pièce en vous applaudissant « Bravo ! Vous avez été victime de la bonne blague de LG ! Ce n’est pas une véritable fenêtre mais notre dernier téléviseur HD ! Convainquant n’est-ce-pas ? ».
Vous venez de subir le « prankvertising », dernière tendance marketing pour créer de la notoriété. Son objectif est de piéger et de faire peur au consommateur, tout en filmant la scène en caméra cachée, afin ensuite d’en faire une vidéo virale qui se partagera massivement sur les réseaux sociaux. Sauf que la méthode fait débat. Explications.
Pourquoi ça marche ?
Ces derniers mois, les exemples de « prankvertising » se multiplient. Ils ont tous en point commun d’avoir la vidéo virale au cœur du processus et utilisent les nouvelles technologies pour aller plus loin dans la mascarade. James Perceley, co-fondateur de l’agence new-yorkaise Thinkmodo, spécialisée dans ce type d’opération, note que la farce permet de créer un véritable engouement de l’audience. Les gens aiment regarder la réaction des autres dans des situations délicates. Cela fonctionne particulièrement bien pour la promotion de divertissements : séries, films, émissions… C’est d’ailleurs un élément à garder en tête lorsqu’on se lance sur ce créneau. Est-ce que la peur, la farce, correspondent aux valeurs de ma marque ? La vidéo virale pour la promotion du film Carrie, la vengeance, est un bon exemple. La scène se passe dans un café. Un client renverse sa boisson par inadvertance sur une jeune femme. Elle s’énerve et dans sa fureur révèle des pouvoirs de télékinésie. Grâce à une parfaite maitrise des techniques d’effets spéciaux, elle projette le client maladroit contre le mur, bouscule les meubles et renverse le contenu des étagères. Les autres clients assistent à la scène effrayés. Parmi eux, quelques inconnus piégés sur lesquels la caméra cachée capte la moindre réaction. Dans ce cas-là la mise en scène est parfaitement choisie pour promouvoir ce film d’horreur. En revanche, dans l’exemple de LG on peut s’interroger.
Quels sont les risques et les limites ?
Ce procédé étant à la mode, il est surexploité par les marques, au risque de lasser les internautes. Pour se démarquer il faut donc apporter quelque chose de réellement nouveau, d’inédit, d’inouï. On conseillera aussi d’éviter les acteurs. Comme le dit James Perceley, la crédibilité de la farce est essentielle. Les vidéos « fake » se reconnaissent facilement aux réactions surjouées des acteurs et ne fonctionnent pas.
Le « prankvertising » comporte aussi des risques. En effet, même si les agences assurent contrôler les possibles débordements, en jouant avec de vraies personnes les réactions sont imprévisibles. Imaginez que quelqu’un fasse une attaque cardiaque ou réponde agressivement…
Les coûts de ces opérations sont aussi à prendre en compte. La mise en scène, les technologies, les acteurs, puis la production de la vidéo virale, tout cela demande un budget conséquent, même si cela reste plus abordable qu’une campagne médias.
Enfin, il faut aussi réfléchir aux limites éthiques à ne pas dépasser. La marque Cuisinella a par exemple fait les frais d’un bad buzz il y a quelques temps. Dans la vidéo en question, on fait croire à des pseudo-passants (des acteurs en fait) qu’ils sont morts, en les enfermant dans un cercueil duquel ils arrivent finalement à s’extirper, pour se retrouver dans une cuisine face à l’accroche « N’attendez pas pour en profiter ». Le jeu surfait des acteurs et le mauvais-goût de la campagne ont profondément agacé les internautes. Cuisinella a finalement retiré sa vidéo et présenté ses excuses.
En bref, c’est une tendance novatrice et attirante, mais elle doit être pensée comme un divertissement. Les internautes n’ont pas envie de voir et de partager une publicité, il faut réellement les amuser pour que le viral prenne.
Renée Bani